Le fractionnement du revenu de retraite : La fin de l’iniquité
fiscale au provincial, en attendant le fédéral!!!
Lors du récent budget provincial déposé le 4 juin dernier, le ministre des Finances du
Québec a annoncé une mesure qui vise à assurer l’équité du mécanisme de
fractionnement des revenus de retraite entre conjoints et corriger ainsi une iniquité
qui a été mise en place par le fédéral depuis 2007. Cette mesure favorisait indûment
les retraités âgés de moins de 65 ans bénéficiaires d’une rente provenant d’un régime
de pension agrée (RPA) au détriment des autres retraités qui doivent attendre l’âge de
65 ans.
Le présent texte fait le tour de cette mesure de fractionnement en analysant les
conditions d’admissibilité et les différences de traitement fiscal entre le régime
d’imposition fédéral et provincial.
Conditions d’admissibilité
Tant au fédéral qu’au Québec, la condition indispensable pour déterminer si un revenu
pourrait faire l’objet d’un fractionnement, c’est son admissibilité au crédit d’impôt pour
revenu de retraite au fédéral au sens du paragraphe 118(3) L.I.R1.
Pour être admissible, chaque particulier membre d’un couple (cessionnaire et
pensionné au sens de la L.I.R.) doit s’assurer de remplir toutes les conditions suivantes2 :
décès;
De façon générale, les revenus de pension admissibles au fractionnement sont définis
au niveau du paragraphe 118(7) L.I.R. Cette définition change si le particulier n’a pas
atteint ou non l’âge de 65 ans avant la fin de l’année d’imposition.
Le tableau suivant récapitule les conditions d’admissibilité en fonction de la source de
revenu de retraite et l’âge du particulier.
Le fractionnement permettra à un particulier de déduire, dans le calcul de son revenu,
un montant maximal de 50% de son revenu de pension admissible au fractionnement3, à
condition que son équivalent soit inclus dans le calcul du revenu de son conjoint4.
Pour ce faire, un choix fait sur un formulaire prescrit doit être envoyé aux autorités
fiscales avant la date limite de production de la déclaration d’impôts personnels.
Toutefois, le pourcentage du fractionnement choisi au provincial peut être différent de
celui au fédéral étant donné la disparité existante au niveau de certains crédits d’impôts
qui tiennent compte du revenu familial et non de celui individuel.
Les avantages du fractionnement
Beaucoup d’articles ont été publiés depuis la mise en place du mécanisme de
fractionnement qui ont chiffré le montant des économies d’impôts annuelles gagnées
par le couple qui pourraient dépasser le seuil de 12 000 $ dans certains cas. La raison
principale étant les écarts de taux d’imposition entre les conjoints, surtout au Québec,
depuis l’instauration d’un nouveau palier d’imposition à partir de 100 000 $ et
l’imposition progressive de la contribution santé depuis 2013. Toutefois, il ne faut pas
perdre de vue que le fractionnement pourrait avoir aussi un impact défavorable à
l’égard de certaines mesures fiscales faisant réduire ou perdre des crédits d’impôts qui
auraient pu être accordés en fonction du seuil du revenu individuel5.
La nouvelle mesure annoncée par le dernier budget provincial
En 2007, toutes les provinces canadiennes ont suivi le fédéral en harmonisant leur
régime fiscal avec celui fédéral. Depuis la publication du dernier budget provincial,
Québec est devenu la première province à sortir du rang en imposant aux contribuables,
dès l’année civile 2014, l’atteinte de l’âge de 65 ans comme condition essentielle pour
être admissible au fractionnement du revenu de retraite. Cette mesure affectera
environ 85 000 ménages québécois (donc 170 000 contribuables) et fera économiser 52
millions de dollars au trésor public1.
Depuis son instauration en 2007, le mécanisme de fractionnement n’a pas cessé d’être
critiqué par les fiscalistes qui rapprochent aux autorités fiscales le favoritisme accordé
aux anciens employés qui reçoivent, avant l’âge de 65 ans, une rente d’un régime de
retraite mis en place par leur employeur, versus des contribuables qui ont épargné
durant plusieurs années afin de cotiser à leur régime enregistré d’épargne retraite
(REER) et qui doivent attendre leur 65éme anniversaire avant de bénéficier des
économies d’impôts reliés au fractionnement.
Malgré ces critiques, le ministre fédéral des finances a indiqué, à maintes reprises,
qu’elle n’a pas l’intention de modifier la L.I.R. en invoquant principalement comme
raison, le contrôle plus important exercé par les rentiers d’un REER, FERR ou d’un FRV
du moment des retraits des sommes accumulées dans ces différents régimes. En effet,
selon le gouvernement fédéral, il est difficile de déterminer, à ce moment, si un individu
est réellement à la retraite. Alors qu’un bénéficiaire d’un régime de pension agrée, il est
supposé avoir pris sa retraite.
Or, le dernier plan budgétaire publié par le ministère des finances du Québec a
démontré que plus de 70 % des bénéficiaires du fractionnement des revenus de retraite
avaient moins de 65 ans et qu’une grande part de ces contribuables continent d’occuper
un emploi leur procurant un revenu supplémentaire en plus de leur rente de RPA, et
bénéficier ainsi chacun du crédit d’impôt pour le revenu de retraite alors que dans les
faits ils ne sont pas des véritables retraités6.
C’est dans le but de corriger l’iniquité générée par ce mécanisme de fractionnement que
le dernier budget provincial a instauré cette modification qui s’appliquera d’une
manière rétroactive pour les six premiers mois de l’année 2014, ce qui obligera plusieurs
retraités québécois à revoir leur stratégie financière.
Conclusion
En conclusion, nous rappelons que le fractionnement du revenu de pension n’exige en
aucun cas un transfert réel d’argent, il s’agit simplement d’une « fiction fiscale » qui a
assez duré depuis 2007, ce qui a obligé le ministère des finances du Québec à mettre
fin à l’iniquité générée par cette mesure en attendant que le fédéral suive dans un
avenir très proche.
À notre avis, le refus du crédit d’impôt pour le revenu de retraite aux contribuables
âgés de moins de 65 ans ou la mise en place d’une limite au montant de la pension
fractionné, pourrait constituer des pistes envisageables afin d’atténuer, dans une
certaine mesure, cette iniquité faute de mesures fiscales immédiates plus efficaces.